samedi 18 juillet 2015

Remarques liminaires

Avant de vous lancer dans un premier rasage, voici quelques dispositions à prévoir :

Du temps à soi. Se raser à la mode de nos grands-pères, c’est aussi choisir de prendre son temps, de refuser d’être pressé, d’être tranquillement présent à ce que l’on fait. J’ose rapprocher cette démarche des principes de la pleine conscience des bouddhistes : amener son entière attention sur le moment présent du rasage, y être pleinement consacré, sans être parasité par la contrainte du temps qui file ou par les soucis de la journée qui vous attendent.

Statue du Bouddha
Rasez-vous en paix.

Bref, prévoyez de vous réveiller plus tôt et d’avoir la salle de bains à vous seul pendant une demi-heure. (Je prévois large, mais c’est à dessein, justement afin que le temps ne compte pas.)

De la prudence. Vos débuts seront plus ou moins satisfaisants (cette fameuse learning curve dont j’ai parlé précédemment) : votre cou pourrait ressembler à celui d’un poulet que l’on vient de plumer… Ainsi, tant que vous n’avez pas atteint un degré minimal de maîtrise, évitez le rasoir de sureté le jour d’un entretien d’embauche ou d’un rendez-vous galant.

Une exploration indispensable. Préparez votre premier rasage en explorant avec attention les poils de votre barbe : dans quel sens poussent-ils ? Du haut vers le bas ? Du bas vers le haut ? Où et comment précisément ? Chacun a sa pilosité et ses particularités, il est crucial de bien les connaître.

Sens des poils de la barbe
Prenez le temps de connaître votre barbe.


Des jeux de mousse. La qualité de la mousse est déterminante : une excellente mousse résoudra d’emblée 80% des problèmes ! Je vous suggère donc de travailler des mousses dans un grand bol : avec plus ou moins de savon, plus ou moins d’eau. Une noisette de crème suffit largement (si vous avez un savon dur, on chargera le blaireau mouillé en effectuant un certain nombre de tours sur le savon avant de le travailler dans le bol). Regardez ce qui se passe, touchez, étalez sur votre main. N’hésitez pas à recommencer : tant pis si vous gâchez, prenez ça comme un investissement. Essayez d’obtenir une mousse ferme, riche, dense, mais qui reste souple, onctueuse et garde du volume. Si la mousse ne tient pas et si les petites bulles sont trop visibles, c’est qu’il y a trop d’eau. Si au contraire vous obtenez une pâte épaisse, alors ajoutez de l’eau.

Blaireau plein de mousse

jeudi 9 juillet 2015

A steep learning curve

On utilise en anglais l’expression learning curve (courbe d’apprentissage) pour indiquer ces situations où la maîtrise d’une technique passe par un travail de patience, d’humilité et de ténacité.

C’est le cas du rasage au rasoir de sureté : on n’atteint une belle réussite de rasage qu’au bout d’un cheminement, exaspérant parfois, qui s’inscrit dans le temps.

la learning curve du rasage à l'ancienne


C’est cette courbe d’apprentissage que le rasoir multi-lames avec bande lubrifiante, lamelles souples et autres bidules aussi onéreux que brevetés s’efforce de court-circuiter (et y parvient d’ailleurs souvent). Et dans le cas du rasoir électrique, il n’y a même pas de learning curve du tout : il n’y a ni débutant ni confirmé, tout le monde est d’emblée à égalité.

Dès lors, s’il existe des solutions presse-bouton, pourquoi s’embêter ? Eh bien justement parce que la satisfaction peut se trouver autant dans le chemin que dans son aboutissement, parce que le fait même de se raser peut être un bonheur ou une corvée selon la voie que l’on choisit.

Si vous ne voulez pas apprendre, prendre du temps, vous tromper, recommencer, douter, progresser, réussir, etc., alors Philips et Braun ont conçu pour la multitude d’admirables rasoirs électriques : c’est ce qu’il vous faut.

Si en revanche vous vous faites une joie d’emprunter quotidiennement les méandres de la learning curve, alors vous êtes fait pour ces vieux instruments du rasage à l’ancienne.

Je tenais à vous prévenir avant que vous ne vous lanciez : si ce n’est pas si difficile, ce n’est pas non plus évident et immédiat. Cela se mérite.

Je voulais aussi vous conseiller de prendre le temps d’apprendre avec le matériel qui est le vôtre et de ne pas en changer avant de savoir vous raser vraiment correctement. On n’acquiert pas la maîtrise d’un geste technique en modifiant les paramètres chaque jour. J’ai utilisé mon Merkur 34c quotidiennement pendant quatre ans avant d’essayer un vieux Gillette monobloc. Sans forcément attendre quatre ans avant de varier les plaisirs, il me semble qu’utiliser les mêmes matériels (rasoir, blaireau, savon et lames) pendant plusieurs mois est le meilleur moyen d’acquérir un geste sûr.

Nous verrons dans les prochains articles comment s'y prendre.

lundi 6 juillet 2015

Le matériel de rasage du débutant

Je me propose dans cet article de vous conseiller si, curieux de découvrir le rasoir de sureté, vous vous demandez quels matériels acquérir.

Puisqu’il s’agit a priori seulement d’essayer, je pourrais vous orienter vers les instruments les moins chers, afin de vous inviter à franchir le pas à moindre coût. On trouve en effet des rasoirs de sureté neufs à 1,59 € sur eBay, et des blaireaux à 1,88 € !

Rasoir et blaireau bas de gamme
Fuyez la camelote à vil prix !


Peu chers, certes, mais pour quelle expérience ? À quoi bon quitter la pacotille en plastique du supermarché et les mousses en bombe, si c’est pour retrouver chaque matin entre ses doigts des objets tristes, bas de gamme et éphémères ?

Je prends donc le parti de vous guider d’emblée vers des matériels pérennes et d’excellente qualité, tout en restant largement sous la barre des 100 €. Dans le pire des cas, si vous étiez déçus, vous pourriez revendre vos achats en les proposant sur un forum, eBay ou Le Bon Coin.

Commençons par le rasoir. On évitera les modèles à peigne ouvert (souvent agressifs) ou à barre oblique (slant en anglais, et plutôt destinés à l’utilisateur confirmé). Je déconseille par ailleurs pour débuter un rasoir ancien acheté d’occasion dans une brocante ou découvert dans un grenier : vous pourriez tomber sur du matériel médiocre ou présentant des défauts consécutifs à l’usure ou à des chocs. Autant se lancer avec un rasoir impeccable.

Sans originalité, je conseille deux rasoirs souvent recommandés sur les forums pour les débutants :

  • le Merkur 34c, dit aussi Merkur HD, qui est un rasoir d’agressivité moyenne, d’utilisation facile (deux pièces métalliques et c’est tout), pour un prix d’environ 40 €,

Merkur 34c ou HD
Merkur 34c, dit aussi Merkur HD




  • le Mühle R89, un grand classique lui aussi, assez peu agressif, à la finition plus raffinée que le Merkur. Il existe une variante à manche long. Avec une tête parfaitement identique, on a le Edwin Jagger DE89, souvent moins cher que le Mühle (compter environ 35 € pour le Mühle et 30 € pour le Edwin Jagger). Le choix entre le R89 et le DE89 est avant tout une question de goût : cela revient à choisir le manche.


Mühle R89
Mühle R89


Ma préférence va au Merkur 34c plutôt qu’au R89/DE89, mais c’est très subjectif : le 34c est mon premier rasoir de sureté et revêt donc une valeur affective particulière. Le Mühle n’en est pas moins magnifique et efficace.

Pour le blaireau, les modèles avec les poils en fibres synthétiques ont plusieurs avantages : ils sont durables, résistants, efficaces, faciles à utiliser, sèchent vite et coûtent relativement peu cher. Je conseille :

  • les blaireaux Black Fibre ou Silvertip Fibre de Mühle qui sont aussi efficaces qu’abordables (grand choix de modèles entre 20 et 50 €),


Blaireau Mühle en fibres synthétiques Black Fibre
Brosse Mühle Black Fibre


  • les brosses du français Plisson (35 € pour le Maison du Barbier, 50 € pour le Plisson Access et au-delà de 200 € avec de luxueux manches).

Plisson fibres de chez l'Occitane
Plisson fibres (vendu dans les magasins l'Occitane)



Pour le savon (ou la crème), on trouve à petit prix des produits très efficaces :

  • la crème Palmolive (senteur un peu citronnée) ou la Nivea que l’on trouve en supermarché pour quelques euros. Il y a aussi les crèmes  Williams qui procurent un bonne glisse.


Crème à raser Palmolive
Crème à raser Palmolive



  • le savon assez mou Proraso, qu’il faudra commander. Attention, le Proraso vert dégage une odeur de menthol et d’eucalyptus forte, que l’on peut adorer ou non… On peut lui préférer le modèle blanc, au thé vert, ou le bleu à l’aloe vera (et qui sent… l’aloe vera, pas désagréable, mais très particulier).

Savon à raser Proraso vert
Savon italien Proraso vert : une référence chez les barbiers



Enfin, pour les lames, on trouve facilement les Gillette Bleue Extra, qui sont ce qu’il y a de mieux en supermarché ou en épicerie. Si vous commandez, je recommanderais au débutant les lames Astra Superior Platinum, les Derby ou les Shark, à la fois douces, permissives et économiques. On évitera les lames Merkur, fréquemment décriées, ou les Feather (d’un tranchant inégalé, mais qui pardonnent peu le geste maladroit du débutant).

lames Astra superior platinum
Lames Astra superior platinum


Où faire ses achats ? Si plusieurs produits se trouvent en supermarché, vous devrez le plus souvent effectuer des commandes sur internet. Certains fabricants ont une boutique en ligne (par exemple Mühle ou Plisson), mais il existe surtout des magasins qui proposent toutes sortes de marques (Rasage classique, Shaving.ie, Gifts and Care, etc.)

samedi 20 juin 2015

Savons et crèmes

D’emblée, mettons les choses au point : soit on se rase avec un savon (ou une crème) spécifique pour le rasage, soit on assèche sa peau et on se coupe. Le passage d’une lame affutée sur le visage n’est pas anodin : la peau doit être protégée par une lubrification et une hydratation adéquates.

La qualité de la mousse est décisive dans la réussite du rasage ; elle n’est en rien un élément secondaire qui viendrait après la lame ou le rasoir. (Autant j'arrive à me débrouiller d'une lame de dix jours ou d'un rasoir un peu bizarre, autant je suis incapable d'obtenir une bonne glisse d'une mauvaise mousse. La technique ne peut pas tout.)

Gardez donc votre excellent savon de Marseille ou votre savon d’Alep pour la douche : quoi que prétendent certains, ces savons ne donnent qu’une maigre mousse, sans tenue et qui s’assèche en quelques minutes, avec pour résultat une peau irritée, sinon coupée.

Savon de Marseille, Marius Fabre


Il n’y a aucune bonne raison de faire des économies en utilisant des produits inadaptés : un vrai savon de rasage vous satisfera durant des mois pour quelques euros. Avec une bonne vingtaine d’euros, vous bouclerez l’année avec un réel plaisir pris à vous raser.

La facture montera sans doute un peu encore avec des savons plus prestigieux, mais même le très coûteux Martin de Candre reste somme toute abordable : certes vous débourserez 40 € pour un pot (mazette !), mais vous vous raserez quotidiennement pendant plus d’un an avec un produit sensationnel, luxueux et artisanal. (Il y a des gels de supermarché en bombe qui sont presqu’aussi onéreux sur une même durée, pour une expérience de rasage très bas de gamme en comparaison.)

Savon, rasage, Martin de Candre


Bref, j’insiste : une belle mousse s’obtient d’abord à partir de produits ad hoc. On trouvera ces derniers sous forme de savon ou bien de crème, même si la différence d’une consistance et l’autre peut s’avérer floue (entre un savon mou et une crème épaisse, la limite est arbitraire).

Les savons, plus ou moins durs, se présentent de manières variées : souvent dans un bocal en bois, en verre, en plastique ou en métal, mais aussi simplement emballés dans du papier ou du carton (à vous de trouver le contenant qui vous convient). Un conditionnement sous forme de bâton (stick en anglais) est plus rare, mais a ses adeptes : le bâton tenu à la main est directement appliqué sur la barbe (c’est une technique efficace, même si je lui préfère le passage par un bol, j’en parlerai un autre jour).

Savon de rasage, sandalwood, Taylor of Old Bond Street


Les crèmes sont vendues en tubes (comme le dentifrice), mais aussi en pot.

Crème à raser, Mylabel, creme de barbear


Choisir un savon plutôt qu’une crème est largement une question de goût. L’idéal est de garder plusieurs pots et tubes entamés afin d’alterner les plaisirs : l’offre est considérable, il serait dommage de ne pas en profiter au jour le jour.


samedi 13 juin 2015

Le blaireau

Aujourd'hui, avec le blaireau, je poursuis mon survol du matériel nécessaire à un rasage au rasoir de sureté.

Cet outil (le blaireau) aurait pu s’appeler de manière plus générique un pinceau ou une brosse de rasage (en anglais, on utilise d’ailleurs le terme shaving brush ou shave brush). Mais sans doute a-t-on estimé que, quitte à réquisitionner au blaireau (l'animal) ses poils pour fabriquer des brosses, on pouvait tout aussi bien lui emprunter son nom (tant qu’à faire…).

Alban Larousse, blaireau


Les blaireaux (les brosses) ne sont pourtant pas tous faits de poils de l’animal éponyme, mais aussi de soies de sanglier, de crins de cheval ou de fibres synthétiques.

De la nature du poil vont dépendre la facilité à obtenir d’un savon une belle mousse, mais aussi les sensations de fermeté ou de souplesse, de piquant ou de douceur, etc.

Le poil de blaireau diffère en qualité selon l’endroit du corps de l’animal où il est prélevé. D'un fabricant à l'autre, plusieurs catégories seront distinguées : le français Plisson en voit cinq (noir, gris de Russie, gris européen, blanc européen et blanc de haute montagne), mais l’anglais Simpson trois (pure badger, best badger et super badger), l’espagnol Vie-Long cinq, comme Plisson, mais pas les mêmes (gris, negro, punta gris, blanco et punta plata), etc. Bref, pas de typologie stricte et des distinctions qui ne relèvent pas que de la biologie de l'aimable mammifère, mais aussi de la segmentation marketing.

Je ne rentrerai pas ici dans les détails des catégories (j’y consacrerai peut-être un article à part entière un jour), mais je précise néanmoins au néophyte, avant qu’il ne casse sa tirelire, que les poils sombres, fermes et peu chers ne font pas forcément de mauvais blaireaux. Ces poils sont d’abord moins chers parce qu’en abondance sur le corps de l’animal, contrairement aux poils à la pointe blanche ou argentée. Mais un pure badger peu coûteux n’est pas moins bon dans l’absolu qu’un super badger au prix élevé. Faire le bon choix est d’abord une question de sensations recherchées : il faut savoir ce que l’on veut sans se laisser impressionner par le prix ou le discours marketing. Mon blaireau Maison du Barbier « pur gris » d'entrée de gamme me picote et me masse agréablement les joues depuis plus de cinq ans et c’est aussi pour cela que je l’apprécie :

Blaireau, Maison du Barbier


La soie de sanglier présente à mon (très humble) avis plus d’inconvénients que d’avantages par rapport au poil de blaireau. Notamment, les brosses en soie demandent à être rodées plusieurs semaines ou plusieurs mois avant de se montrer pleinement efficaces (avant que les soies ne se divisent à leurs extrémités et que le pinceau ne s’ouvre). Ensuite, il convient de tremper la brosse quelques minutes dans l’eau avant utilisation, ce qui est un peu ennuyeux. Enfin, si ces brosses peuvent produire de très belles mousses, ce n’est pas toujours aussi facile qu’avec du poil de blaireau.

Mais bref, je ne cherche pas à dresser un tableau négatif des brosses en soies de sanglier, j’exprime juste que c’est un bon matériau, mais peut-être pas le meilleur. En tout cas, les prix bas invitent à la découverte, comme ce petit blaireau sans marque, avec manche en bois de Madère, que l’on trouve à 2,20 € environ en supermarché au Portugal :

Blaireau, soies de sanglier, bois de Madère, Continente


Le crin de cheval, franchement, je n’en ai jamais essayé. Plutôt que de mal recopier des choses mieux écrites ailleurs, je vais sagement m’abstenir, j’en parlerai une autre fois, quand je m’y serai un peu frotté. Tout ce que je sais, c’est que l’espagnol Vie-Long propose plusieurs modèles :

Blaireau, Vie-Long, crin de cheval


La fibre synthétique est à la fois ancienne et nouvelle. Ancienne, elle est assez mauvaise ; nouvelle, assez excellente. Sont arrivées depuis quelques années à peine, chez Plisson ou chez Mühle par exemple, des brosses en fibres synthétiques extrêmement séduisantes : très abordables, robustes, fermes et douces à la fois, remarquablement performantes (peu de savon produit une montagne de mousse). La fibre vient franchement questionner la suprématie du blaireau, d’autant que l’on peut attendre de nouveaux progrès à l’avenir. Pour ma part, je suis conquis par ces nouvelles fibres et je ne peux que les conseiller à des débutants qui peinent parfois à obtenir une belle mousse.

blaireau, Mühle, fibres noires


Je conclue ce post en évoquant rapidement d'autres caractéristiques d'une brosse de rasage que le poil lui-même :

  • la taille : on trouve à la fois de très petites comme d’immenses brosses, pour lesquelles on pourra considérer la hauteur (du pied du manche à l’extrémité des poils), la sortie (la longueur du poil) ou le diamètre (diamètre à la base de la touffe),
  • le matériau du manche qui peut être une résine, un plastique, du métal, de la corne, du bois (qu'il faudra peut-être protéger avec un corps gras en raison du contact régulier avec l'eau),
  • la coupe de la touffe de poils : en boule, en éventail, etc.


Blaireaux, Shavemac


Et voilà pour aujourd’hui ! Je parlerai des crèmes et savons la prochaine fois.

lundi 8 juin 2015

Les lames à double tranchant

On trouvait naguère dans toutes les maisons ces lames plates à double tranchant : tout le monde a en tête le dessin de cet objet banal du quotidien. (Aujourd’hui néanmoins, cette lame s’est faite bien plus rare et je ne serais pas surpris que de jeunes enfants n’en aient jamais vu.)

Lames Gillette Bleue extra, Bic chrome platinum, Feather blades

Comme on l’a vu dans le post précédent, la lame est placée dans la tête du rasoir et n’en sera retirée qu’au bout de plusieurs rasages, quand elle sera devenue trop usée.

Il n’y a pas d’affutage, contrairement au rasoir droit, mais remplacement de la lame par une neuve. Cette production de déchet reste néanmoins limitée. En effet, d’une part l’emballage se réduit souvent à du papier et du carton ; d’autre part, les lames sont faites d’un seul matériau métallique et leur recyclage s’en trouve facilité. Pour se faire une idée, il résulte de mes trois dernières années de rasage quotidien un tas compact de lames d’environ deux centimètres de haut : à comparer avec environ 150 cartouches Mach3 pour une même durée…

Outre les moindres déchets, le coût est très faible : un paquet de dix lames au supermarché coûte environ 1,50 à 2 € ; un lot de 100 lames sur internet revient souvent à moins de 15 € et descend parfois même franchement sous la barre des 10 €.

Paquet de lames Gillette Bleue extra
1,80 euro les dix à l'épicerie du coin

Enfin et surtout, la variété est au rendez-vous avec de nombreuses marques et modèles. Les lames pourront être plus ou moins durables, coupantes ou douces : de quoi satisfaire tout le monde.

Lames Sharp super stainless, Astra superior platinum, Polsilver super iridium, Asco super stainless, Elios, Derby extra,  Gillette blue extra, Wilkinson sword


Il est important de noter qu’il n’y a pas qu’une marque de lame attachée à tel rasoir : au contraire, chaque lame convient à tous les rasoirs et réciproquement. Ainsi, une lame égyptienne Asco produite en 2015 pourra s’utiliser avec un rasoir chinois Weishi de 2005 ou avec un vénérable rasoir français Leresche de l’entre-deux-guerres.

Ces multiples combinaisons possibles entre lames et rasoirs permettent à chacun de trouver ce qui lui convient le mieux et, et ce n’est pas à négliger, de s’amuser en toute liberté. Finie l’obligation d’acheter des cartouches Wilkinson Hydro parce que votre rasoir n’accepte que cela.

Moins de déchets, moins cher, plus de variété et plus de liberté : cela vous tente-t-il ?

(Bien entendu, si vous préférez polluer plus, dépenser plus, avoir moins de choix et être prisonnier d’un marché captif, alors je ne doute pas que des gens d’une remarquable bienveillance s'empresseront de vous satisfaire…)

vendredi 5 juin 2015

Le rasoir à double tranchant

Le rasoir à double tranchant est un instrument somme toute assez sommaire : une lame coincée entre deux morceaux de métal, ne dépassant qu’à peine, comme pour un rabot. Ainsi, la lame n’est pas en mesure de blesser gravement celui qui se rase puisqu’elle ne peut pas s’enfoncer profondément dans la peau, contrairement au rasoir droit (dit « coupe-chou »).

Une image vaut mieux qu’un long discours :

Lame Gillette Blue extra et rasoir Gillette Tech de 1972


Une fois ce même rasoir vissé, nous avons bien une lame qui ne dépasse que d’une très faible longueur, suffisamment pour couper le poil, insuffisamment pour blesser sérieusement :

Gillette Tech S2 1972


Si je devais brosser à grands traits une taxonomie des rasoirs de sureté, je mentionnerais les caractéristiques suivantes :
- une pièce (« papillon »), deux pièces ou trois pièces,
- peigne ouvert ou peigne fermé,
- manche long ou manche court,
- réglable ou non,
- métal, bakélite ou composite,
- barre droite ou oblique.

Passons rapidement en revue ces différentes caractéristiques (j’aurais l’occasion à l’avenir de développer tel ou tel point avec plus de détails).

Une, deux ou trois pièces. En une pièce, nous avons le rasoir de type « papillon » : un mécanisme ouvre la tête du rasoir lorsque l’on veut changer de lame. Ce système est un peu plus confortable pour installer la lame, mais la tête est un peu plus volumineuse, ce qui peut gêner certains. En pratique, c’est peut-être d’abord une question de goût. Voici en image :

Rasoir Gillette Rocket HD 1953


Système à deux pièces, mon préféré (mais c’est très subjectif) :

Rasoir Merkur 34c chrome manche court


À trois pièces :

Rasoir Gillette Tech 1972 trois pièces


Peigne ouvert ou peigne fermé. Le peigne est le bord de la tête du rasoir : il peut être ouvert (il forme une sorte de fourche) ou fermé (une barre continue). Ce choix d’un peigne ou d’un autre est très important : il a de réelles conséquences sur le rasage. Je conseille au débutant le peigne fermé, plus protecteur, moins agressif. Avec le peigne ouvert, on sent une grande proximité entre la lame et la peau : les sensations diffèrent, il faut rester bien attentif à ne pas se couper. Le peigne ouvert est notamment apprécié pour les barbes de plusieurs jours, quand il faut moissonner amplement.

Deux rasoirs Gillette : Rocket HD et Old type doré

Manche long ou manche court. Cela change le poids et l’équilibre du rasoir, on peut préférer l’un ou l’autre, c’est une question très personnelle. Je n’ai pas de préférence : je m’adapte à l’un ou à l’autre.

Rasoir Merkur 34c et rasoir Gillette Super Adjustable Black Beauty


Réglable ou non. Certains rasoirs sont réglables : une molette permet de jouer sur l’exposition de la lame, pour un rasage plus ou moins doux. Certains apprécient beaucoup ; j’avoue préférer un rasoir sans réglage (j’adapte ma pratique au rasoir tel qu’il est).

Rasoir Gillette Super Adjustable 1974, dit Black Beauty


Métal, bakélite ou composite. La plupart des rasoirs sont en métal. On trouve néanmoins des modèles en bakélite ou composites.

Rasoir en bakélite


Barre droite ou oblique. La très grande majorité des rasoirs ont une barre droite, mais certains présentent une barre oblique (rasoirs de type « slant » en anglais) qui tord la lame. Il en découlerait un rasage supérieur en qualité et en confort pour les adeptes, mais il n’y a pas unanimité. Le débutant devrait commencer par une barre droite ordinaire : il pourra toujours s’amuser plus tard à s’essayer au slant si ça lui chante.

Rasoir slant à barre oblique


C’est tout pour aujourd’hui !

mercredi 3 juin 2015

Rasage à la mode pépé

J’ai expliqué dans le post précédent comment j’avais été amené à reconsidérer l’alternative imposée de fait par les grands acteurs du marché du rasage : soit l’électrique, soit le rasoir mécanique moderne (intégralement jetable ou bien à cartouche multi-lames).

Je me suis donc tourné il y a cinq ou six ans, après une recherche sur internet, vers le rasoir de sureté de nos grands-pères, avec une lame à double tranchant, du savon et un blaireau pour monter sa mousse.

Rasoir Merkur 34c, lame Bic chrome, blaireau Maison du Barbier, savon Sandalwood de Taylor of Old Bond Sreet.


Un matériel simple, élégant, économique, produisant peu de déchets, efficace et qui fait du rasage non pas une corvée, mais un moment de détente, de plaisir et de présence à soi.

Je me propose de développer dans ce blog ces différents aspects de ce rasage à l’ancienne. J’espère vous donner envie d’essayer.

samedi 30 mai 2015

Premiers pas

Aux alentours de quinze ans, à l'âge des premiers poils au menton, s'ouvre une période (que l'on espère la plus longue et la plus belle possible) durant laquelle il va falloir s'occuper de sa barbe.

Quand on prend le parti de la raser complètement, la tâche est quotidienne si l'on veut rester propre, net et rasé de près. Ce qui demande de consacrer plusieurs minutes chaque jour au rasage, 365 jours par an et durant des décennies. Faites le calcul…

Et étrangement, le plus souvent, personne ne vous explique vraiment comment faire. On m'a appris à faire la différence entre colonnes ioniques et doriques, à linéariser une matrice ou à mener un kayak dans un ruisseau, toutes choses fort intéressantes, mais dont l'utilité pratique au quotidien mérite d'être questionnée. En revanche, d'apprentissage du rasage, il n'en est généralement pas question, comme s'il n'y avait rien à apprendre.

Un jour qu'ils ont jugé qu'il fallait en finir avec mon minable duvet d'adolescent, mes parents m'on offert un Philishave Tracer et j'ai cru que savoir se raser consistait à introduire une fiche électrique dans une prise.

Rasoir électrique Philishave Tracer à deux têtes rotatives

Il m'a fallu bien vite ranger cet abominable engin au placard : passer ce truc vibrant et bruyant tous les jours sur le visage, pour un résultat moyen et une peau passablement irritée, merci bien.

Je me suis alors tourné vers les rasoirs mécaniques et plus particulièrement vers un Wilkinson Protector,

Rasoir Wilkinson Protector en plastique rouge. Une grille sépare les lames de la peau.

puis vers un Gillette Mach3,

Rasoir Gillette Mach 3, deux cartouches de trois lames chacune

… avec leur ribambelle de bombes de gel ou de mousse.

Mousse en bombe Williams Expert, barbe trois jours, peau sensible, hydratante et gel oxygène, 100% confort


Un meilleur rasage, mais une nouvelle impasse : irritations, boutons, poils incarnés.

Et puis sans doute surtout un certain dégoût : marketing agressif, gadgets bidon, esthétique criarde, senteurs de cosmétiques de supermarché, déchets excessifs (blisters, cartouches de lames, bombes usagées, etc.), système captif de pompe à fric bien huilé, trop de plastiques, trop de couleurs. Bref, un problème de laideur en général. Et être confronté tous les matins à la laideur, j'en ai eu un jour plus qu'assez.

Et c'est ainsi qu'après plusieurs années d'errance, j'ai découvert une manière efficace, sobre et élégante de se raser, comme le faisaient nos grands-pères.

La suite dans un autre post…